René Ernest Brédier (1897- ?)
René Ernest Brédier est l’un des premiers artistes à faire partie de la Collection Sainte-Anne. Professeur de dessin à Paris, il est hospitalisé en 1942 à l’âge de quarante-cinq ans pour une durée inconnue. Douze œuvres sont conservées, pour la plupart adressées à son médecin, le docteur Bressière, datées de 1942.
René Ernest Brédier s’exerce dans la pratique du portrait à la mine de plomb et fusain rehaussé de craie blanche, techniques et matériaux qui le renvoient à son activité de professeur de dessin. Tel un exercice technique, il s’applique au dessin d’observation des patients de l’hôpital, tantôt leurs visages tantôt leur gestuelle dans des activités quotidiennes comme la lecture. Ce corpus se distingue dans sa cohérence de sujet et d’exécution, telle une étude approfondie des expressions de ses semblables. Les œuvres ont été peu montrées jusqu’à ces dernières années. En effet, la qualité esthétique des dessins ne correspond pas à ce que l’on peut s’attendre à voir dans une collection hospitalière, et pour aller plus loin, à la définition de l’art brut de Jean Dubuffet qui prend sa source notamment -mais pas que- à partir d’œuvres issues de milieu psychiatrique.
L’attention portée sur l’expression et la gestuelle de cette série évoque sans détour la série des Manomanes de Théodore Géricault (1791-1824), commandée par le professeur Étienne-Jean Georget et réalisé à la Salpêtrière entre 1821 et 1824. Théodore Géricault réalise cette série de portraits à partir d’études physiques de patients, recueillis dans des manuels de psychiatrie. La série avait pour but d’être présentée aux étudiants en médecine afin de présenter l’aspect physique d’un aliéné. Cependant, la distinction entre le travail de René Ernest Brédier et Théodore Géricault se loge dans le contexte de réalisation. Brédier s’approche davantage d’une représentation de l’expression des passions tel Charles Lebrun (1619-1690) et s’émancipe du caractère psychotique de ses sujets. L’artiste propose une représentation sincère empreint de réalisme et d’humanité. Le corpus de René Ernest Brédier conteste d’une certaine façon les théories psycho-morphologiques introduites par Cesare Lombroso[1] (1835-1909).
Les œuvres de ce portraitiste affirmé ont été présentées lors de l’exposition Portraits, de 1905 à nos jours en 2002, projet d’étude sur le portrait à l’hôpital Sainte-Anne afin d’en déterminer les factures et l’évolution de ce genre emblématique dans l’histoire de l’art.
[1] LOMBROSO Cesare, L’homme criminel : atlas, 1887.