Hillairet
(dates inconnues)
Nous connaissons peu de choses d’Hillairet, sinon qu’il a été interné à l’asile Lafond de La Rochelle durant l’année 1938. Il est aussi l’artiste d’une seule œuvre connue, un dessin daté du 19 mai 1938 réalisé au cours de son internement, et aujourd’hui conservé dans la Collection Sainte-Anne.
Pour autant, ce dessin suffit à révéler un talent artistique certain, doublé d’un sens de l’humour dont l’institution psychiatrique est ici le lieu et le sujet de la moquerie de l’artiste. Dans une représentation complexe, l’artiste esquisse un rêve tumultueux réalisé par un patient dans un dortoir de l’asile. Au cœur de ce rêve, un psychiatre semble y affronter la folie : tandis que le premier brandi un caducée à la manière d’un sceptre, la seconde s’incarne dans un bouffon coiffé d’un capuchon à grelots brandissant une marotte. Jouant du symbole et de la métaphore, Hillairet semble faire sienne cette insolence qui inverse le statut de chaque protagoniste.
Mais, la complexité du dessin réside aussi dans l’imbrication de scènes dans la scène et dans l’ajout d’une phrase qui apporte un autre éclairage. Au premier plan, reconnaissable à son « cahier de visite », un interne se relève le nez ensanglanté tandis que les étoiles autour de sa tête laissent imaginer l’existence d’une bosse. Par ailleurs, le patient qui rêve questionne le spectateur : « qui sera vainqueur ». S’agit-il d’une métaphore sur l’issue de la maladie ou bien est-ce là le rêve d’une vengeance de la part du malade, dans la mise en scène d’un combat cristallisant les tentatives de soins du médecin ? Quoi qu’il en soit, l’artiste manie avec vivacité différents registres symboliques et humoristiques.
Cette habilité se retrouve dans la maîtrise de la narration et des techniques de dessin. Tracé à la plume, il présente une grande cohérence entre les traits pleins qui signifient le réel et les pointillés qui suggèrent le rêve, ce qui aboutit à une composition équilibrée mais complexe qui impose au spectateur un effort de lecture pour percevoir l’image et saisir enfin toute la finesse et l’humour.
